Le Gazetier cuirassé; Le Diable dans un bénitier; La Police de Paris dévoilée ; La Vie secrète de Pierre Manuel : quatre libelles parmi des centaines d'autres, pornographiques, délateurs, politiques.
Leur accumulation fait corpus, une mine concernant le statut de l'écrivain, le marché du livre, le journalisme, l'opinion publique et l'idéologie dans la France du XVIIIè siècle. L'art et la politique de la calomnie, développés sous les régimes de Louis XV, de Louis XVI, de la monarchie constitutionnelle de 1789-1792 et sous la République jacobine de 1792-1794, créent un univers en soi. Une foule de plumitifs et d'écrivailleurs, fruit de l'explosion démographique de la république des lettres, crèvent la faim à Paris, subsistent grâce à des travaux alimentaires pour quelques mécènes, et, lorsque l'embastillement pour dettes menace, se réfugient à Londres notamment où ils se font précepteurs, traducteurs, colporteurs de brochures, tout en produisant en série plagiée, grace aux rapports fournis par des informateurs secrets à Paris et à Versailles, des opuscules qui diffament le souverain et ses ministres, les danseuses et les hommes du monde, et dénoncent la dépravation et le despotisme. Le gouvernement français réplique en envoyant des agents secrets pour assassiner, enlever ou soudoyer les libellistes.
La calomnie dans la France du XVIIIè siècle est un courant littéraire et un genre politique qui, après avoir sapé l'autorité de la monarchie absolue, s'intégra à la culture politique républicaine pour atteindre son point extrême avec Robespierre. L'évolution des contenus confortera la permanence de la forme.