Cet article tente d’établir un diagnostic épistémologique du phénomène contemporain de développement des théories complotistes. Il part de la critique de deux approches du phénomène. L’approche « hyper-critique » consiste à dire que le développement du complotisme manifeste un manque « d’esprit critique », et prescrit donc comme thérapie d’enseigner aux élèves à ne rien croire sans l’avoir vérifié soi-même. Jean-Baptiste Guillon répond que cette stratégie « individualiste épistémique » est inefficace voire contre-productive, car une étude des discours conspirationnistes révèle que le conspirationnisme se nourrit précisément d’une rhétorique individualiste. La seconde approche que l'auteur rejette consiste à nier l’existence de tout phénomène problématique de « théories du complot ». Cette approche s’appuie essentiellement sur la difficulté qu’il y a à définir précisément ce qu’est l’état d’esprit conspirationniste. Il répond en définissant le conspirationnisme comme une exacerbation de l’individualisme épistémique, c’est-à-dire l’incapacité à distinguer les sources testimoniales fiables des sources testimoniales non fiables.