Synthèse d'article scientifique produite par la Fondation Descartes de :
Rebecca Hofstein Grady,Peter H. Ditto, and Elizabeth F. Loftus (2021). Nevertheless, partisanship persisted: fake news warnings help briefly, but bias returns with time. Springer, Cognitive Research: Principles and Implications.
Les labels mis en place sur les réseaux sociaux pour indiquer aux utilisateurs qu’un contenu est potentiellement faux ou trompeur ont une efficacité limitée. La faiblesse de ce dispositif pourrait trouver son origine dans la manière dont notre mémoire fonctionne : elle dissocierait progressivement le souvenir du contenu incriminé de celui du label d’avertissement qui lui est accolé - un effet nommé « sleeper effect » (effet d’assoupissement). Une fois cette dissociation opérée, si le contenu en question venait à réapparaitre sur le réseau social sans avertissement, il regagnerait en force de conviction car les utilisateurs exposés ne feraient plus le lien avec le label qu’ils avaient pourtant vu à la première exposition.
Certaines recherches ont montré qu’un label apparaissant avant un contenu trompeur bénéficierait d’une mémorisation plus robuste de la part des utilisateurs, ce qui en accroitrait l’efficacité. Mais là encore, le dispositif aurait des limites : l’efficacité de l’avertissement pourrait être affaiblie si les utilisateurs exposés sont motivés à croire au contenu en question. De manière générale, on observe en effet que les individus peuvent être motivés à croire à des informations qu’ils devraient pourtant trouver douteuses quand elles vont dans le sens de leurs opinions politiques.
Dans leur étude, Grady et collègues ont testé l’efficacité des labels d’avertissement en variant leur contexte d’utilisation pour en préciser les limites. Les résultats de l’étude confirment qu’un avertissement positionné avant l’apparition d'un contenu faux possède une meilleure efficacité à court terme que lorsqu’il est positionné pendant ou après son apparition. Cependant, cet avantage comparatif disparait après deux semaines seulement. Ainsi, le « sleeper effect » impacte toutes les conditions d’avertissement : avec le temps, les individus testés n’arrivent plus à faire le lien entre le contenu incriminé et l’avertissement qui lui était accolé, que ce dernier soit placé avant, pendant ou après le contenu.
Cette étude montre encore que les participants ont eu tendance à juger davantage crédibles les contenus faux allant dans le sens de leur propre sensibilité politique, quand bien même ils étaient accompagnés d’un message les informant de leur fausseté au moment où ils leur ont été présentés. Cet effet s’observe chez les participants indépendamment de leur positionnement politique - à savoir, conservateur ou libéral, dans le contexte américain de cette étude. Ces résultats confirment la nécessité de multiplier les dispositifs pour lutter contre la désinformation en circulation sur les réseaux sociaux, la labellisation seule n’étant pas suffisante pour décrédibiliser les contenus faux ou trompeurs.