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La présente étude, basée sur les réponses de 2 000 Français représentatifs de la population nationale à un vaste questionnaire élaboré pour l’occasion, poursuit les objectifs suivants :
Le premier est de décrire la manière dont les Français s’informent sur le dérèglement climatique. Nous avons plus précisément cherché à déterminer à quel point le sujet les intéresse, à quelle fréquence ils s’informent sur l’actualité climatique et par quels canaux ils passent pour le faire.
Le second objectif de cette étude est d’enregistrer l’opinion des Français sur la manière dont les médias généralistes traitent du dérèglement climatique. Nous leur avons ainsi demandé si, selon eux, la question climatique est suffisamment couverte par les médias, puis leur avons proposé de donner leur avis sur une série de critiques du traitement médiatique du climat que nous leur avons soumises.
Le troisième objectif poursuivi dans cette étude est de déterminer quels sont les facteurs informationnels, sociodémographiques, politiques et cognitifs qui influencent positivement ou négativement le niveau des connaissances climatiques des Français. Pour ce faire, nous avons demandé aux participants à notre étude de passer un petit quiz de connaissances climatiques, puis avons rapporté leurs résultats aux différents facteurs en question.
Le dernier objectif de la présente étude est de mesurer l’influence de ces mêmes facteurs informationnels, sociodémographiques, politiques et cognitifs sur la disposition des Français, premièrement, à adopter ou non des actions individuelles volontaires en faveur du climat (réduction de sa consommation de viande, par exemple) et, deuxièmement, à accepter ou non des mesures climatiques contraignantes (telles que l’instauration de taxes carbone, l’interdiction des vols courtes distances, l’intégration d’un coût du carbone dans le prix des biens et services, etc.).
Les médias généralistes constituent le premier canal d’information climatique des Français, avant les réseaux sociaux. Pourtant, les Français se montrent majoritairement critiques à l’égard de la manière dont les médias traitent du sujet climatique. Deux types de critiques émergent à l’analyse :
Nos analyses statistiques montrent par ailleurs que s’informer fréquemment sur le climat via les médias généralistes améliore en moyenne le niveau des connaissances climatiques des Français, alors que le faire via les réseaux sociaux a globalement l’effet inverse. Cela suggère donc que s’informer sur le dérèglement climatique au moyen des réseaux sociaux est en réalité contre-productif en termes de connaissances climatiques.
Les facteurs cognitifs connus pour protéger contre les fausses informations (style de pensée analytique, notamment) sont associés à de meilleures connaissances climatiques.
Les Français intéressés par l’actualité climatique, et qui s’informent fréquemment sur le sujet (tous canaux confondus) sont davantage disposés à adopter des comportements favorables au climat. Notons que les médias généralistes, à eux seuls, ne semblent pas jouer un rôle spécifique dans la disposition aux actions climatiques individuelles.
Un autre facteur incitant aux actions individuelles favorables au climat est la peur du dérèglement climatique et de ses conséquences. En revanche, si cette peur se transforme en défaitisme, la disposition à adopter des comportements environnementaux vertueux s’amenuise alors.
Les facteurs qui influencent le plus le niveau d’acceptation de mesures contraignantes en faveur du climat sont les suivants :
Des enseignements pour les médias et les décideurs peuvent être tirés des résultats de notre étude. Ainsi, nous avons vu que les Français sont très majoritairement demandeurs d’un journalisme de solutions, plus pédagogique, rigoureux et scientifiquement informé, sur la question du dérèglement climatique. Cela devrait encourager les médias à multiplier et à développer les initiatives prises par certains d’entre eux, comme Radio France par exemple, qui dit vouloir s’engager dans un « tournant environnemental » davantage axé sur les solutions à la crise climatique.
Sous réserve de leur mise en place effective, de telles initiatives iraient à l’évidence dans le sens des attentes d’une large partie de la population française. Cela paraît d’autant plus nécessaire que l’on n’observe pas à l’heure actuelle que s’informer régulièrement sur le climat par le biais des médias généralistes incite particulièrement les Français à adopter des comportements climatiques vertueux.
Selon nous, les médias devraient par ailleurs être attentifs au fait de ne pas perdre l’audience et l’intérêt d’une partie de la population, plutôt située à droite de l’échiquier politique, qui juge leur traitement actuel du climat trop chargé idéologiquement. Le risque à terme serait en effet d’aboutir à un clivage radical de la société sur la question climatique, tel qu’on peut l’observer aux États-Unis notamment. Pour éviter cet écueil, il est probablement souhaitable que les médias donnent davantage la parole aux scientifiques, qui bénéficient de la confiance d’une majorité de Français, plutôt qu’à des représentants d’associations environnementales, qui peuvent paraître moins crédibles et plus idéologiques aux yeux de certains.
Par ailleurs, les Français semblent accorder un peu plus de crédit sur les questions climatiques aux journalistes scientifiques qu’aux autres journalistes. Cela devrait inciter les rédactions à renforcer et à mettre en avant leurs équipes spécialisées sur le climat. Une montée en compétences des journalistes sur ce sujet semble aujourd’hui essentielle, en raison de sa grande technicité, de la diversité des thématiques qu’il couvre (scientifiques, technologiques, sociales, politiques, économiques...) et de la nécessité de parvenir à vulgariser les tenants et aboutissants de la situation climatique sans en trahir la complexité et sans concession avec l’état de la connaissance scientifique.
Les décideurs, pour leur part, devraient être attentifs lors de l’élaboration et de la mise en place de mesures climatiques contraignantes au fait que l’acceptation de ces dernières dépend en bonne partie de la manière dont elles seront perçues par les Français sur le plan de leur efficacité et sur celui de leurs impacts négatifs potentiels sur les populations les plus fragiles.
Il apparaît dès lors nécessaire de prévoir des mécanismes permettant de limiter de tels impacts négatifs, ou de les compenser. La communication publique concernant ces mesures devrait ensuite être centrée sur la démonstration de leur efficacité pour lutter contre le dérèglement climatique et sur l’explication des dispositifs mis en place pour protéger les catégories fragiles et s’assurer que l’effort est équitablement réparti au sein de la population.
La très grande majorité des Français est aujourd’hui consciente de la gravité de la situation climatique et considère que le gouvernement n’en fait pas assez pour lutter contre le dérèglement du climat. La population est donc probablement prête à des efforts supplémentaires pour éviter le pire. Encore faut-il que les Français soient convaincus que ces efforts servent à quelque chose et qu’ils ne seront pas insupportables pour les plus fragiles d’entre eux !
Laurent Cordonier, directeur de la recherche de la Fondation Descartes. Contact : lc@fondationdescartes.org